Quel drôle d’outil ! A l’origine la raquette était un outil qui permettait de poursuivre le grand gibier dans la neige profonde, en évitant de s’enfoncer ! Les populations autochtones d’Amérique du Nord et de Sibérie Orientale sont les premières à utiliser cet outil, il y a déjà 5000 ans !
Le mot « raquette » en lui-même a été rapporté dans le royaume de France, par les fameux Indiens blancs, ces trappeurs français du temps de Jacques Cartier, en couple avec des indiennes, au fin fond de la Belle Province du Québec. Vivant parmi les tribus, ils ont découvert les chasseurs indiens, poursuivant le gibier l’hiver, bisons, wapitis. Chaussés de ces étranges instruments faits de bois et de cuir qui les faisaient glisser sur la neige. Ils les ont appelés « raquettes » par rapprochement à celles qui permettaient la pratique du Jeu de Paume par l’aristocratie royale en France !
Depuis la raquette a fait son chemin, plutôt sa trace ! Depuis « La Guerre de 7ans » fin du 18 -ème siècle, surnommée « La bataille en raquettes » opposant les Canadiens à l’Empire Britannique jusqu’à l’arrivée de la raquette loisir, avec des clubs créés dès 1840 à Montréal. La raquette est arrivée jusqu’à nous et notre tourisme moderne de pleine nature.
Dès le milieu du XXème siècle, 2 types de raquettes sont apparues. La raquette pour neige très froide, peu porteuse, qui permet d’évoluer dans les espaces nordiques, faiblement vallonnés telle la taïga d’Amérique du Nord. Celle-ci constituée d’une armature en tube d’aluminium, avec une fixation à débattement qui permet d’optimiser l’effort du marcheur. Ce type de raquettes, parfaitement adapté aux continents Nord-Américain avec ses neiges « froides et sèches » a été popularisé par la marque Tubbs. Cette modernisation a fait tripler en quelques années la pratique de la raquette aux USA et au Canada détournant une partie de la clientèle ski vers les grands espaces. Come on dit, loin des pistes l’aventure !
Coté Européen, l’engouement pour la raquette a pris plus de temps. Dans les années cinquante, une raquette « alpine » est apparue, Un arceau en frêne fermé, avec un treillis en corde et sangle. La pratique est alors confidentielle. Quelques amateurs de montagne hivernale, ne sachant pas skier, et quelques alpinistes les chaussant pour maximiser leur marche d’approche. Les grands glaciers étaient encore bien enneigés dans les massifs alpins ou pyrénéens. Moi-même j’ai souvenir d’avoir gravi un mois de janvier le Turon du Néouvielle (3030m) depuis Barèges, avec ces raquettes aux pieds, faute d’avoir pu m’offrir une paire de ski de randonnée. Une heure après mon retour à la voiture, les sangles me liant aux raquettes étaient toujours gelées !! Une autre époque !
Il a fallu attendre le tournant des années 80, pour voir l’explosion de la raquette européenne ! Celle- ci est lié à l’apparition simultanée de deux facteurs ! D’abord l’évolution technologique avec l’apparition de nouveau matériau dans la conception. En particulier le polypropylène et un design novateur en taille de guêpes. La raquette plastique Folly’s a été le premier prototype de cette révolution. La 225 est ensuite devenue le modèle le plus répandu, fabriqué depuis 1995 par la société Tsl outdoor et réalisé en plastique, en forme de taille de guêpe, avec une fixation articulée laissant l’arrière du pied libre, comme en ski de fond. Elle est équipée de pointes de métal sous la raquette permettant une accroche sur neige gelée.
L’autre facteur concomitant est l’arrivée à maturité dans l’encadrement des sports de montagne de la profession d’Accompagnateur Moyenne Montagne, ou plus connu sous l’abréviation AMM, avec une qualification « Montagne enneigée » qui a permis à ces Brevets d’Etat de se former aux techniques de la progression dans la montagne hivernale (en particulier manipuler et connaitre les fameux DVA, ou Détecteur de Victimes en Avalanche). Dans les années 90, quelques pionniers de la profession ont popularisé ce sport auprès du grand public qui fréquentait les stations de ski ! N’oublions pas qu’une personne sur deux qui vient aux sports d’hiver ne sait pas skier ! Depuis la randonnée raquettes a fait sa trace, belle et profonde !
Alors que de nombreux pratiquants de sports d’hiver redécouvrent la discipline de la raquette à neige, beaucoup de nouveaux modèles de raquettes font leur apparition, permettant des pratiques plus diversifiées et parfois plus sportives ! La pratique aujourd’hui va de la simple découverte, souvent sous la forme d’une demi-journée, coincée entre 2 cours de ski, jusqu’à une pratique sportive voire très sportive sous forme de raid raquettes soit en étoile depuis un gîte ou un refuge de montagne, soit carrément en itinérance tel des nomades des neiges avec un lourd sac sur les épaules, en passant par la randonnée loisir, ou l’on retrouve ces randonneurs de l’été qui poursuivent leur passion l’hiver grâce aux raquettes.
L’attractivité de cette activité ne faiblit pas ! Toutes les classes de neige incluent maintenant dans leur séjour, une initiation à la raquette avec découverte du milieu hivernal. D’autre part la fermeture administrative des remontées mécaniques en 2021, pour cause Covid n’a pas empêché que les vacances d’hiver fassent le plein, la magie de la neige et tout ce petit monde s’est retrouvé raquettes aux pieds, construisant des igloos, suivant des traces d’animaux sur la neige fraiche !
En ces temps ou le réchauffement climatique interpelle nos comportements, la raquette à neige est un des vecteurs du « Slow tourisme » dans la montagne hivernale ! Il y aura toujours un moment de neige dont il faudra profiter pleinement, au milieu d’hivers de plus en plus capricieux !